MOBILISATION CONTRE UNE PROPOSITION DE LOI QUI ENTEND MUSELER LA LIBERTÉ D’INFORMER !

Déclaration d’Info’Com-CGT

 Affaire Benalla, décès de Cédric Chouviat, croche-pied d’un policier à une manifestante, coups de poing d’un commissaire de police contre un Gilet jaune à Toulon, affaire Geneviève Legay, à Nice… Toutes ces violences policières, signalées et documentées par les médias ou les réseaux sociaux, n’existeraient plus avec la loi en préparation sur la sécurité globale au Parlement. Celle-ci doit être étudiée à l’Assemblée nationale le 17 novembre 2020. Elle punit « d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. » La précision sur l’intention de porter atteinte « à l’intégrité physique ou psychique » d’un policier ou d’un gendarme vise à rassurer, mais elle n’empêchera pas les poursuites de toute personne ayant capté les images d’une violence policière. Car c’est au juge qu’il reviendra, a posteriori, de décider ou non si l’auteur des images nourrissait une « intention malveillante ».  Cette proposition de loi constitue donc une entrave à la liberté d’informer. Les journalistes, comme tous les citoyens, ne pourront plus capter, en direct, les images du comportement des forces de l’ordre dans une manifestation. Ils pourront être interpellés alors qu’ils filment en direct une opération de police, placés en garde à vue et traduits devant un tribunal, une fois leur matériel professionnel saisi. La fille de Cédric Chouviat, décédé à 42 ans lors de son arrestation par la police, à Paris, le 3 janvier 2020, témoigne auprès du journaliste David Dufresne, auteur du recensement « Allô place Beauvau » : « Avec l’aide de ces vidéos, nous avons pu contredire les mensonges de policiers. Sur ces images, mon père est victime de violences policières, dit-elle. Ces vidéos sont notre seul moyen de défense. Ce sont la voix de nos défunts. Ne la réduisons pas au silence et n’étouffons pas encore la vérité.»  Plusieurs journaux, dont Le Monde, ont alerté sur le caractère liberticide de cette proposition de loi. De même, de nombreuses sociétés de journalistes et de rédacteurs ont lancé l’alerte : « L’article 24 de la future loi « sécurité globale » menace la liberté d’informer ! »1 La Ligue des droits de l’homme (LDH) dénonce de même : « (Cette proposition de loi) prévoit la pénalisation de la diffusion d’images de policiers ou de gendarmes agissant dans le cadre de leurs missions d’ordre public, portant atteinte à la nécessaire transparence de ces opérations. Une telle mesure, si elle était adoptée, avec des sanctions très lourdes (1 an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende) empêcherait tout contrôle citoyen, voire le travail des journalistes, en favorisant l’impunité d’auteurs de violences policières. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) appelle les parlementaires à rejeter cette proposition de loi liberticide et de fuite en avant sécuritaire qui menace gravement les principes fondamentaux de notre démocratie et l’État de droit. » Dans un avis publié le 3 novembre 2020, la Défenseure des droits, Claire Hédon, considère que cette proposition de loi soulève des risques considérables d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux, notamment au droit à la vie privée et à la liberté d’information. « Le Défenseur des droits souligne l’importance du caractère public de l’action des forces de sécurité qui permet son contrôle démocratique, notamment par la presse et les autorités en charge de veiller au respect de la loi et de la déontologie, écrit-elle. La liberté d’information, qu’elle soit le fait d’un journaliste ou d’un particulier, prime sur le droit à l’image ou au respect de la vie privée dès lors que cette liberté ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. Il convient de rappeler que le droit au respect de l’intimité de la vie privée peut se heurter aux droits d’information du public et de la liberté d’expression garantis notamment par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. » De même, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) relève : « Le soutien apporté par le Gouvernement à la proposition de loi relative à la sécurité globale, proposée par des députés de la majorité et déposée le 20 octobre 2020 à l’Assemblée nationale, ainsi que le déclenchement d’une procédure accélérée sont emblématiques de la dégradation du débat démocratique. En n’assumant pas directement le choix de ces nouvelles orientations sécuritaires, qu’il aurait dû détailler dans un nouveau projet de loi, le gouvernement prive le parlement et la société d’un débat sur leur impact ainsi que d’une expertise juridique du Conseil d’Etat, préalables requis à l’examen parlementaire de tout projet de loi, mais pas pour une proposition de loi. Par ailleurs, ni la CNCDH ni les autres instances chargées du respect des droits fondamentaux dans leur domaine respectif – le Défenseur des droits, la CNIL – n’ont été consultées alors même que ce texte redessine de manière très préoccupante les contours d’une « nouvelle donne » sécuritaire. Plusieurs dispositions de ce texte sont particulièrement inquiétantes. Par diverses mesures, ce texte vise à donner des gages aux forces de l’ordre, notamment l’interdiction de diffuser des images de policiers, mesure qui a suscité, à juste titre, l’émoi des syndicats de journalisme. » 

✊ Appel à la mobilisation…

Aussi, Info’Com-CGT appelle au rassemblement organisé le mardi 17 novembre, à partir de 16 heures, place Edouard-Herriot (derrière l’Assemblée nationale), avec les autres organisations syndicales de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes et SGJ-FO), la Fédération internationale des journalistes, la Fédération européenne des journalistes, ainsi que la Ligue des droits de l’homme, avec un grand nombre d’organisations professionnelles et de collectifs. À noter qu’un second rassemblement citoyen, avec les associations humanitaires, de défense des droits de l’Homme, collectifs, partis et syndicats, est d’ores et déjà envisagé, pour le samedi 21 novembre, sur le Parvis des droits de l’Homme, place du Trocadéro, à Paris.