Le mouvement des Gilets Jaunes a placé la question sociale au centre de l’actualité. Il encourage l’action revendicative collective sur le pouvoir d’achat, les salaires, l’impôt démocratique, la démocratie directe. Un salutaire rebond doit être enclenché par notre syndicalisme grâce à la force propulsive qui vient d’apparaître.

1. Réintégrer la réalité sociale

Une bonne partie du peuple est en mode survie.

Le grand crash financier de 2008 a accéléré l’appauvrissement des plus pauvres et l’enrichissement des plus riches. Les organismes financier ont obtenu des États, dont la France, qu’ils fassent payer la dette des banques au peuple. Le remboursement d’une dette qualifiée de « publique » est devenu l’objet d’une austérité permanente, inscrite dans la Constitution.

La fiscalité est détournée en un instrument du pillage financier :

52,5 milliards, tel est l’impôt prélevé de 2010 à 2017 sur les ménages (foyers fiscaux). Rien de plus sur les entreprises pendant la même période ; 

39 milliards sans contrepartie, le crédit impôt compétitivité emploi (CICE) est doublé en 2019 ;

23,9 % en 2018, 32,5 % en 2000, l’impôt sur les bénéfices des entreprises a baissé.

Les salaires et pensions sont bloqués et régressent sur fond de précarité généralisée et de remise en cause du principe même du SMIC et de la rémunération sous forme de salaire.

Le syndicalisme décide de redevenir tout entier celui de la feuille de paie.

2. Rétablir la vérité sur l’État

L’État, en 2019, est l’outil par lequel le profit financier établit son pillage des richesses et des valeurs. Les règles, lois et décrets se sont mis au service du capital financier.

L’État n’est pas un arbitre entre les classes, tel qu’il pouvait apparaître sous cette forme illusoire après-Guerre. La fusion entre Finance et État est accomplie, et parachevée par le régime Macron.

Une preuve formelle en est apportée par ce qu’il est convenu d’appeler le « dialogue social ». Feinte de balayeur maniée depuis Hollande, le prétendu dialogue social est un décor pour obtenir l’aval des syndicats, rebaptisés « partenaires sociaux », à l’égard du vol des richesses par le capital financier.

Le dialogue social ainsi nommé se distingue en tous points d’une négociation, il est organisé au profit du Medef et de la Finance pour obtenir le calme nécessaire à la régression sociale programmée.

Le syndicalisme décide d’agir au service des besoins exprimés, en rupture avec l’institutionnalisation encouragée par l’État.

3. Contre le capital financier, passer de la dénonciation à la libération

Il est bien établi pour tous les syndicalistes que la moitié des profits vient du secteur financier, finance, assurance, immobilier. De nombreuses firmes industrielles tirent une part croissante des profits de leurs activités financières.

Les firmes de taille mondiale, comme les Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft (GAFAM), ont porté la capitalisation boursière à des hauteurs inédites.

Ce règne implique une dictature sur le Travail pour lui imposer un processus permanent de recul, ou au mieux de stagnation, sans même l’espoir de répits pendant les périodes dites de croissance. Avec le capital financier, il n’y a pas de loi de retour à une normalité sociale civilisée.

La voracité du capital financier et son caractère totalitaire supposent une soumission du Travail à ses impératifs. À cet égard, les médias, propriété des industriels et des banquiers, fabriquent l‘idéologie du consentement à la soumission.

Le syndicalisme remplit les deux besognes pour lesquelles il a été créé, la défense pied à pied des intérêts des exploités et le combat pour la libération de l’oppression du capital sur le travail.

4. Apprécier le mouvement des Gilets Jaunes pour ce qu’il est : un soulèvement

Les employés, les professions paramédicales comme les ambulanciers, les femmes de ménages, les tout petits patrons, et puis toutes celles et tous ceux qui ont un ou plusieurs boulots sous-payés pour survivre, voilà ce qu’étaient les Gilets Jaunes.

Ce peuple-là, nombre de syndicalistes en font partie mais, étrangement, pas leur structure nationale. La divergence d’intérêts et de pratiques est apparue entre eux et les instances au plus haut niveau.

Le soulèvement porte une exigence de justice globale, et déjoue le piège dans lequel on veut enfermer le syndicalisme : ou le libéralisme ou la barbarie. Cette cause est celle du syndicalisme, qui a été créé comme outil de combat du Travail en général, pas de telle catégorie de travailleurs.

Le syndicalisme comprend le soulèvement des Gilets Jaunes comme un formidable encouragement à la mobilisation sociale, qui n’a jamais été aussi forte que lorsque l’horizon de l’émancipation sociale était ouvert. Le syndicalisme dresse le portrait‑robot de la nouvelle bastille à prendre.

5. Prendre en considération le refus populaire de la représentation

La démocratie directe, l’auto-organisation des actions, la construction de relations solidaires de proximité, tout cela donne corps à un rejet des formes de représentation politique et syndicale perçue comme trompeuse.

Les syndicalistes comprennent cet état d’esprit non comme un phénomène éphémère, mais comme un rapport durablement modifié de la base aux institutions et au mode de représentation.

Le syndicalisme doit de toute façon reconsidérer un mode d’organisation périmé par rapport à ce qu’est devenue la classe ouvrière, tout en gardant son joyau le plus précieux, le fédéralisme, c’est-à-dire l’indépendance par rapport à l’État et au patronat.

Le syndicalisme se redéploie pour multiplier ses bases de proximité. Fédéraliste par nature, il en termine avec son mode « experts » professionnels, en redonnant l’expertise aux syndicalistes. Il réintègre un fonctionnement où chacune et chacun compte pour un, et un pour tous. Il veille à la rotation des mandats et au plafonnement de leur rémunération éventuelle au salaire d’un ouvrier hautement qualifié de la Métallurgie. Il crée les conditions pour que le financement provienne de façon prioritaire et majoritaire des cotisations des adhérents.

Ces tâches concrètes permettront d’exprimer toute la force vitale portée par tant de militants CGT au cœur des actions, des combats et des mouvements, afin que la Confédération générale du travail retrouve un grand avenir.

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