Uber, l’argent d’Uber et la peau des travailleurs

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Ce premier numéro de l’année 2017 est l’occasion d’aborder trois sujets importants pour l’heure : « Nos tâches syndicales en 2017 », un appel à signer et faire signer « Nous sommes la CGT, nous n’en n’avons pas fini avec la loi travail » et une analyse de Jean Gersin sur le digital « Uber, l’argent d’Uber et  la peau des travailleurs ».

Comme tout espace de débats et réflexions, vous pouvez réagir ci-dessous afin d’échanger et confronter nos idées sur le sujet.

 

2017, NOS TÂCHES SYNDICALES

2016 a été l’année du grand réveil de l’action collective en résistance à la casse du droit social et du code du travail, commanditée par le libéralisme le plus agressif. 

Nous continuerons à agir par tous les moyens à notre disposition pour obtenir l’abrogation de la loi dite Travail. Nous tiendrons notre engagement pris au cœur des manifestations et des débats des nuits debout.

Deux forces s’affrontent. L’une, aux commandes du pouvoir économique et politique, cultive le chômage à un haut niveau et propage la précarité, tout en imposant une vie infernale à l’entreprise. L’autre, la nôtre, organise la résistance grâce à une formidable combativité répandue dans nombre de collectifs syndicaux qui n’ont nulle intention de se résigner.

Notre résistance n’est pas surdéterminée par le calendrier électoral. Le temps de notre action solidaire se mesure aux impératifs de riposte sociale et aux besoins des travailleurs. Nous voyons bien, tel que le débat est apparu au cœur des assemblées générales des Nuits Debout, que se joue le sort à long terme de notre camp, celui du Travail. Nous devons combiner les objectifs revendicatifs et les exigences d’une société régie par la démocratie sociale.

Nous rejetons cette propagande qui nous promet l’apocalypse numérique parce que là-bas, en Californie, les nouveaux maîtres du capitalisme espèrent organiser le monde et notre vie quotidienne comme un champ infini de profits. Non, le plus urgent n’est pas de créer de l’intelligence artificielle et d’augmenter la réalité virtuelle, mais de cultiver l’intelligence humaine au service de la réalité sociale. N’importe quel homme nous intéresse plus que le robot le plus puissant.

Nous nous opposons au dénigrement de l’humain, présenté comme inférieur à la machine. Nous connaissons ce mépris exercé contre les travailleurs, pour justifier les licenciements. Nous rejetons ce mensonge qui prédit l’arrivée imminente d’une société ultralibérale qui parviendrait au grand remplacement de l’homme par l’intelligence artificielle. Quel bluff ! Le capitalisme a besoin de vendre. Qui achèterait si les robots dominent ?

Nous voulons construire de telles solidarités que chacun puisse compter sur les autres pour conquérir une réduction massive du temps de travail, qui ouvre les portes du Travail à tous les chômeurs. Rien n’est plus urgent. Nous nous battons pour que le salaire continue de comporter une partie allouée à la protection sociale collective et solidaire, ce qui est fortement mis en cause par un patronat qui croit l’heure venue de verser notre Sécurité sociale dans l’ornière de l’assurance privée.

Nous revendiquons une baisse de l’intensité du travail, une éradication de la souffrance qu’il génère aujourd’hui, par l’instauration de rapports sociaux où la femme et l’homme au travail conquièrent un droit de citoyen applicable à l’entreprise. Nous proposons à toutes celles et tous ceux qui ont un statut subi ou choisi de travailleur indépendant d’oeuvrer ensemble à un statut social de haut niveau qui confère à toutes et tous une dignité recouvrée dans le Travail.

L’année 2017 sera belle si nos actions nous rassemblent, développent notre résistance commune et nourrissent la fraternité et la solidarité sans lesquelles rien n’est possible.

 

APPEL

NOUS SOMMES LA CGT, NOUS N’EN AVONS PAS FINI AVEC LA LOI TRAVAIL !

Nous avons pris cet engagement envers le monde du travail en 2016. Nous devons donc continuer à agir ensemble et résister à cette offensive contre le droit social.

Aujourd’hui, la loi Travail permet aux employeurs de disposer du temps de travail et de la rémunération des salariés, de licencier sans entrave, de forcer les syndicats à mener des négociations sur les seules exigences patronales, et même de contourner les syndicats par voie référendaire.

Notre vocation est d’être avec les travailleurs qui agissent contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste. Autrement dit, nous nous engageons chaque jour avec nos syndicats dans la lutte des classes.

Dans notre action, nous devons nous appuyer les uns sur les autres et coordonner nos efforts pour une meilleure efficacité. Lutter ensemble, échanger nos expériences et mener des initiatives en commun au soutien des salariés qui se battent, telle est notre tâche commune.

Cette convergence a déjà permis de créer de nouveaux outils de l’action syndicale et faire reculer le patronat ainsi que les gouvernements qui le servent. Nous voulons poursuivre notre mobilisation par des voies qui ont déjà démontré leur efficacité sur le terrain. En voici quelques-uns :

En premier lieu, pérenniser la caisse de solidarité initiée lors du mouvement social contre la loi Travail. Son succès national a permis de collecter plus de 562 000 euros pour aider des milliers de salariés en grève reconductible. Nous voulons désormais lui donner un nouvel élan pour soutenir des grèves locales et préparer le prochain mouvement social contre les réformes régressives annoncées, notamment contre celle de la Sécurité Sociale. La caisse de grève permet à plus de travailleurs de cesser le travail plus longtemps. C’est un levier de l’action gréviste autant qu’un outil de solidarité et de mobilisation massive. Après consultation des 10 000 donateurs, chaque structure syndicale qui le souhaite peut participer à sa gestion. Transparente, efficace et démocratique, c’est un véritable outil au service des luttes. Pour y participer ou en savoir plus, voir ici :

https://www.lepotcommun.fr/pot/solidarite-financiere

 

En second lieu, depuis le 11 janvier, nous avons commencé à attaquer les décrets d’application de la loi Travail avec tous les syndicats CGT qui souhaitent participer à cette procédure (https://goo.gl/i5R1zc). Il s’agit non seulement de faire échec à l’application de certaines des dispositions les plus graves de la loi El Khomri, mais aussi de poursuivre la mobilisation contre la loi Travail et ses auteurs. Nous invitons en conséquence tous les camarades à se joindre à cette démarche juridique collective en signant cet appel en ligne ou nous contactant (voir liens ci-dessous).

Enfin, toutes les négociations ne diront pas leur nom, mais elles seront en fait l’application de la loi Travail. Nous allons donc mettre à la disposition de tous les syndiqués et syndicats CGT le « dispositif question prioritaire de constitutionnalité » (QPC). Ceux qui se voient appliquer la loi Travail dans leur entreprise pourront soulever une question prioritaire de constitutionnalité afin de faire annuler une partie de la loi. Le Conseil constitutionnel a lui-même suggéré que les travailleurs le saisissent par cette voie afin qu’un contrôle de la constitutionnalité de la loi El Khomri puisse (enfin) avoir lieu. C’est pourquoi nous avons préparé des argumentaires visant les articles les plus anticonstitutionnels afin d’engager immédiatement la démarche avec tous ceux qui le souhaitent. En savoir plus :

http://www.retraitloitravail.com/argumentaire_pour_une_qpc_contre_la_loi_travail

 

D’autres initiatives viendront pour continuer à agir ensemble.

 

POUR SOUTENIR CET APPEL :

http://www.retraitloitravail.com/nous_n_en_avons_pas_fini_avec_la_loi_travail

Pour toute demande de soutien, d’informations et pour la communication des actions, nous vous invitons à nous contacter à l’adresse suivante :

coordination@infocomcgt.fr

Premiers signataires de l’appel :

CGT Allibert Achel / CGT CHRU Lille et CGT CHRU MICT Lille / CGT Educ’action 78 / CGT Faurecia de Meru / CGT Goodyear / CGT Hôpital Wattrelos / CGT Hôtel de prestige et économiques / CGT Marks et Spencer / CGT Pôle santé UDEVE / CGT Préfecture Police / CGT Pullman Paris Montparnasse / CGT Union locale de Béthune / CGT USPATMI / Info’Com-CGT…

 

 

LA LOI EL KHOMRI TRAVAILLE À L’UBÉRISATION…

UBER, L’ARGENT D’UBER ET LA PEAU DES TRAVAILLEURS

LE VÉRITABLE OBJECTIF DE LA LOI TRAVAIL ? FRACTIONNER, DIVISER LE SALARIAT

La loi Travail vise d’abord à déconnecter le temps de travail de la loi, de la convention collective et du Code du travail en général. Elle veut remettre la maîtrise de ce temps-là entre les mains des seuls employeurs. Ils disposent à la fois d’un droit de licencier sans entrave et du poids dissuasif d’un chômage de masse doublé d’une précarité considérable. Un accord d’entreprise, dans ce cadre, n’est autre que la sanction locale d’un chantage à l’emploi. Pas une négociation.

La loi, dont les décrets sont parus, s’inscrit dans un cadre plus général. L’État casse les normes sociales pour introduire une profonde division dans le salariat. Selon la directive européenne dont il est co-auteur, le gouvernement considère que la modulation du temps de travail doit s’accomplir dans le respect absolu de la croissance du chômage. La création d’emplois stables est exclue, tel est le principe de base.

 

UNE PROPAGANDE POUR LA SORTIE DU SALARIAT EN FAVEUR DE LA PRÉCARITÉ ET DE L’AUTO-ENTREPRENEUR

Une fracture est alors introduite dans le salariat existant : les uns relèveront du secteur concurrentiel mondial, les autres doivent chercher des petits boulots locaux ou régionaux sur fond de destruction des services publics. D’où la dislocation du droit pour permettre cette grande fracture. Mais pour tous pèsera la tendance à la baisse de la rémunération du travail, parce que sa mesure sera dissociée du temps réel passé à travailler. La loi concourt ainsi à opposer les uns aux autres.

L’objectif est d’instaurer une société duale, qu’illustre fort bien le marché du travail d’Allemagne. Une intense campagne idéologique se développe. La sommation est la suivante : « Quittez le salariat, il est périmé, sans avenir. Devenez auto-entrepreneur, si vous ne le faites pas, vous serez responsable de votre chômage par absence de projet. »

En quoi la loi Travail milite-t-elle pour Uber ?

 

PRIORITÉ À UBER, L’ARGENT D’UBER ET L’EXPLOITATION IMPITOYABLE. COMMENT FABRIQUE-T-ON L’AVÈNEMENT D’UNE START-UP COMME UBER ?

Le soin apporté à détricoter le Code du travail et les lois sociales n’a d’égal que l’attention apportée aux intérêts privés des propriétaires des start-up. Uber en est l’exemple. Comment ce Travis Kalanik, propriétaire d’Uber, a-t-il pu accumuler 5,3 milliards de dollars de fortune personnelle (selon le magazine Forbes) alors qu’il a 40 ans à peine ? Il n’a rien inventé, juste créé une société de partage de fichiers, Red Swoosh, et son application aux plates-formes baptisées Uber, présentes dans des dizaines de villes.

Uber comme d’autres bénéficient d’un terrain préparé à leur avantage. Comment ?

 

LES PLATES-FORMES UBER REQUIÈRENT 3 CONDITIONS POUR EXISTER DE FAÇON RENTABLE :

1. Les lois Macron et El Khomri ayant sapé le fondement du Code du Travail, Uber peut contourner ses devoirs d’employeur et établir une sorte d’esclavage vaguement rémunéré.

Dans la récente interview publiée sur le site de la revue Ballast, à la question  « Vous vous dites ouvert à des discussions sur la protection sociale des chauffeurs… », Thibaud Simphal, directeur général d’Uber pour l’Europe de l’Ouest d’Uber, répond :

« Nous sommes ouverts aux discussions pourvu qu’elles concernent l’ensemble du secteur. Et que nous obtenions la certitude que les contrats de partenariat qui nous lient aux chauffeurs ne seront pas requalifiés en contrats de travail. Dans ces conditions, nous sommes prêts à aller jusqu’à la mise en place d’une structure paritaire… Nous avons commencé à discuter avec la CFDT à ce sujet. »

Question : « L’Urssaf a lancé une procédure pour requalifier des chauffeurs en salariés. Où en êtes-vous sur ce front ? »

Le directeur d’Uber répond : «  L’Urssaf a, selon nous, un positionnement très politique. Au regard du droit, il est clair qu’il n’y a pas de lien de subordination. Les chauffeurs n’ont aucune contrainte horaire et Uber n’a aucun contrôle sur leurs activités. »

 

2. Un désengagement des pouvoirs publics du domaine des transports, Uber prétend les concurrencer alors qu’ils se sont retirés pour lui laisser la place.

Question : « Espérez-vous un jour opérer dans le cadre d’une délégation de service public ? »

Le directeur général d’Uber : « Cela pourrait être une idée. Nous commençons à développer des partenariats avec des villes aux Etats-Unis. Les abonnés aux transports publics, par exemple, ont droit à un certain nombre de courses en VTC. Avec un service comme UberPool (partage de trajet), nous sommes aux alentours de 6 ou 7 euros la course. Hors subventions, le coût réel d’un ticket de métro est de 4,50 euros. Nous ne sommes pas si loin. »

 

3. Une fiscalité des entreprises en baisse, passible de plus d’une optimisation par les contournements pratiqués à haute dose. Uber jouit d’une imposition marginale. 

Question : « Vous faites remonter une part de vos bénéfices vers les Pays-Bas. Pourquoi pratiquer l’optimisation fiscale ? »

Réponse du directeur d’Uber : « C’est aux états de mettre en place des règles d’imposition qui paraissent justes pour tous. Il y a un processus en cours à ce sujet au sein de l’OCDE. Beaucoup de multinationales américaines et françaises pratiquent l’optimisation fiscale depuis des années. Ce sujet dépasse donc de très loin le cas d’Uber…

« Nous payons donc des impôts en France. Par ailleurs, sur 10  euros de course, 7,50 euros restent en France puisqu’ils sont reversés aux chauffeurs qui payent impôts et cotisations sociales. Certes, sur les 2,50 euros restants, une part remonte vers notre siège à Amsterdam, qui n’est pas une simple boîte aux lettres… »

Uber se prépare à expulser le travail humain de ses plates‑formes, au rythme de l’industrie automobile à l’ère du libéralisme numérique

Mais le but à moyen terme d’Uber n’est pas le leadership sur le secteur des voitures avec chauffeur. C’est l’organisation urbain du transport sans chauffeur.

Question : « Vous misez sur le véhicule autonome, est-ce la fin annoncée des emplois de chauffeurs ? »

Réponse du directeur Europe d’Uber :
« Pour nous, c’est très clairement l’avenir. Mais la technologie n’est pas encore tout à fait prête. L’interaction entre véhicules autonomes et véhicules conduits par des humains notamment n’est pas encore au point… On peut imaginer que les choses se feront de manière progressive, avec dans un premier temps des véhicules autonomes contrôlés par des personnes. Puis lorsque le public et les autorités y seront prêts, des véhicules complètement autonomes … Des villes comme Lyon, Bordeaux ou Toulouse se montrent très intéressées… »

À Las Vegas début janvier 2017, au salon de l’électronique, Google présente son rapprochement avec Fiat Chrysler par l’installation d’Androïd à bord, tandis qu’Amazon équipe Ford de sa domotique et que Microsoft dote Volvo, BMW et Nissan de son audio conférence Skype. A deux pas, les start-up se bousculent pour la mise au point de véhicules autonomes, sans intervention humaine.

 

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